Depuis plus de 30 ans, István Bánffy recherche avec patience et minutie les plus beaux siphons hongrois édités par les plus remarquables cristalleries et maitres verriers de Hongrie et de Bohème. Sa collection est l’une des plus remarquables et pointues de Hongrie et d’Europe.
Au début des années 2000, István et Imre Kiss se lancent dans un projet visant à valoriser la boisson culte du Soda hongrois, son patrimoine industriel et son histoire (c’est à cette occasion que sera publier le livre : « Soda Water, a Cult Drink in Hungary – Book of a Soda Industry History »). Toute une série d’expositions seront alors montées à travers le pays pendant plusieurs années. Il restait à trouver un bel écrin pour présenter de façon permanente la collection d’István.
C’est en 2006, que la ville de Szeged décide de rénover son château d’eau de 1904, construit par l’architecte Szilárd Zielinski, un imposant monument, lui-même symbolisant l’eau. Ce fut donc évidence… il devait accueil pour beaucoup, il se devait d’accueillir un musée. C’est ainsi que le szóda-múzeum est né, et que la majeure partie de la collection d’István trouva son plus bel écrin ! (une autre partie continue à être régulièrement présentée lors d’expositions temporaires dans le pays).
C’est donc avec impatience que nous laissons István et Ádám nous conduire au Musée, tout en bénéficiant d’une première découverte de la ville et de son magnifique patrimoine 1900. Ils ont fait ouvrir le Musée spécialement pour nous (le jour d’ouverture est le samedi). Le gardien nous attend !
La partie muséale, szóda-múzeum, se trouve dans la base du château d’eau, l’édifice étant toujours en activité et abritant de l’eau pour la ville dans sa partie supérieure. A l’étage, après une ascension éprouvante, se trouve une autre partie dédiée à des expositions Sciences & Techniques temporaires. Nous n’avons pas résisté à monter sur la terrasse du château d’eau (après avoir traverser la partie impressionnante contenant l’eau), pour admirer une vue spectaculaire à 360° sur la ville de Szeged.
Mais c’est dans la partie muséale que mon cœur s’est arrêté de battre ! Le visiteur découvre au centre, autour de l’escalier central, quelques exemplaires splendides et en parfait état de divers appareils et machines à remplir les siphons, témoins de 150 ans d’évolution industrielle - parfaitement restaurés et mis en ambiance avec des mannequins. L’exposition se déploie ensuite de façon circulaire, tout autour des murs intérieurs du château d’eau. Et là … que de merveilles.
Le visiteur découvre une série de vitrines, simples et parfaitement mis en lumière, qui semblent s’effacer pour ne révéler que leur contenu. István y présente ses siphons par thèmes et par vitrine (l’épopée industrielle de sa famille, les premiers modèles en Hongrie incluant certains seltzogènes fort rares, des exemples de siphons européens, et ensuite une série de vitrine montrant le travail verrier hongrois par couleur). Que des siphons d’exception, par leur qualité de verre, leur couleur et lumière, leur diversité de forme, les techniques verrières, la qualité des gravures à l’acide ou à l’émail, la palette inventive des têtes… simplement époustouflant.
Si le siphon est né en France et si la France fut le point de départ international de cette industrie dès 1835, la Hongrie a su lui donner toutes ses lettres de noblesse, surtout à son âge d’or vers 1900. La conjonction d’une industrie florissante dans un empire puissant, de maîtres verriers d’exception et d’une culture fortement ancrée de la consommation de d’eau gazeuse, ont favoriser la création de pièce d’exception, parfois même unique. En effet, István nous a expliqué, qu’il n’était pas rare de voir un riche industriel, notable ou un établissement prestigieux commander auprès de maîtres verriers un exemplaire unique de siphon (ou une très petite série). Le Maître verrier pouvait alors avoir carte blanche pour éditer un siphon selon une forme, une couleur, un relief, une gravure ou un émaillage d’exception. Le musée possède de nombreux spécimens uniques.
Le visiteur sera époustouflé par la qualité verrière, l’éclat lumineux des carafes, la maitrise inégalée des verres multicouches, et l’incroyable diversité des formes, les unes les plus élégantes que les autres. Les verres de Bohème sont sans pareil pour renvoyer la lumière tel des cristaux au soleil. Certaines carafes sont d’ailleurs en cristal polis.
N’en déplaise à la légende urbaine circulant parmi les marchands et brocanteurs français, le « siphon rouge grenat » (ou « cranberry comme disent les anglais), existe bel et bien, selon une technique multicouche (une couche de verre blanc et une couche intérieure en verre rouge), très bien connue et parfaitement maitrisée par les cristalleries de Bohème (également utilisée pour les verres, les vases, les carafes, et certaines lampes à pétrole). Le musée en possède une série remarquable. L’effet est un rouge cerise ou grenat très pur et lumineux (le verre blanc extérieur semble amplifier la lumière, et plus encore lorsque le verre est travaillé avec des reliefs).
Mais plutôt que de disserter davantage, je vous invite à rêver en regardant ces quelques photos qui viennent documenter ce post.
Ce fut enfin un réel plaisir de voir István mettre les deux siphons français que je lui avais offert immédiatement dans une des vitrines du musée. (Siphon ovoïde blanc en verre soufflé de 1865 environ, un demi-siphon rose grappes de raisin gravé à l’acide de l’épicerie Delique Delacourt d’Abbeville).
Merci István et Ádám pour cette visite privée.